Médecine, santé et société

Les consommations des adolescents La France, élève moyen de l’Europe

Santé en chiffres 22 Feb 2012

L’enquête Espad (European School Survey Project on Alcohol and Other Drugs) permet de comparer les différents niveaux d’ usage de substances psychoactives des adolescents dans la plupart des pays européens.

Il s’agit d’une enquête quadriennale menée en milieu scolaire, initiée en 1995 par le Conseil suédois pour l’information sur l’alcool et les autres drogues (CAN) avec le soutien du Conseil de l’Europe (groupe Pompidou). La dernière enquête s’est déroulée en 2003 et a réuni trente-cinq pays dont la France, qui y participait pour la deuxième fois.

L’enquête a été menée selon une méthodologie standardisée dans l’ensemble des pays participants et selon une même procédure à partir d’un questionnaire autoadministré commun. Elle offre ainsi une très bonne comparaison des habitudes de consommations de tabac, d’alcool et de drogues illicites des jeunes Européens âgés de 15-16 ans, scolarisés. En France, l’enquête est effectuée sous la responsabilité scientifique de l’ OFDT et de l’équipe « santé de l’adolescence » de l’Inserm, en partenariat avec le ministère de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche (MJENR).

L’enquête française concernait les élèves scolarisés dans les établissements publics et privés du second degré (collèges, lycées d’ enseignement général et technique, lycées professionnels) relevant de l’Éducation nationale. Au total, 773 classes ont participé à l’enquête, 16 833 questionnaires ont été remplis, soit un taux de participation de 90 %. Pour la comparaison européenne, seuls les 2 297 élèves nés en 1987 et donc âgés de 15-16 ans ont été retentis (la taille des échantillons des autres pays européens participant varie de 555 à 6 000 élèves).

Tabac, alcool et cannabis, premiers produits psychoactifs consommés

En Europe, le tabac et l’alcool restent les deux produits psychoactifs les plus consommés à l’adolescence. Il existe toutefois de grandes variations d’un pays à l’autre et ce, quel que soit le niveau de consommation considéré. Ainsi, pour l’expérimentation de tabac et d’alcool, les niveaux varient du simple au double (respectivement de 46 % à 83 % et de 45 % à 98 %). Pour la consommation quotidienne de tabac, les niveaux évoluent de 13 % pour Malte et la Turquie à 36 % pour l’Autriche ou la Bulgarie. La consommation régulière d’alcool, pour sa part, apparaît quasi inexistante dans des pays comme la Suède ou l’Islande (1 %) alors qu’ elle concerne un quart des élèves hollandais.

Le cannabis continue d’être le premier produit illicite expérimenté et consommé par les jeunes adolescents européens, avec, toutefois, de grandes variations d’un pays à l’autre, l’expérimentation allant de 3 % en Roumanie à 44 % en République tchèque et la consommation durant les trente derniers jours de 1 % en Suède à 22 % en France.

L’expérimentation des autres produits illicites, comme le LSD, l’héroïne, la cocaïne ou encore l’ecstasy, se révèle marginale avec, dans la grande majorité des pays, des niveaux d’expérimentation compris entre 1 % et 4 %.

Avec une expérimentation supérieure à 5 % dans tous les pays, les produits à inhaler (il s’agit principalement de solvants organiques consommés par inhalation : colles, éther, protoxyde d’azote) sont, après le cannabis, parmi les produits illicites ou détournés les plus souvent expérimentés. Les niveaux peuvent même parfois être relativement importants - compris entre 15 % et 18 % - dans des pays comme l’Irlande, Chypre, Malte ou la Slovénie.

Elles fument autant que les garçons

En Europe, les écarts entre les niveaux de consommation des garçons et des filles restent généralement importants, notamment pour des produits comme l’alcool et le cannabis, même s’il subsiste parfois quelques exceptions et de grandes variations d’ un pays à un autre. Dans la majorité des pays, par exemple, les filles s’alcoolisent nettement moins que les garçons mais, dans les pays anglo-saxons (Angleterre, Irlande), les écarts filles/garçons apparaissent moindres, la recherche d’ ivresse pouvant même parfois se révéler aussi importante chez les filles que chez les gar-çons : respectivement 25 % et 24 % en Angleterre par exemple.

Pour le tabac, en revanche, les niveaux des jeunes adolescentes sont comparables, voire supérieurs, à ceux des jeunes garçons. Ainsi, dans des pays comme la Bulgarie, l’ Allemagne, la Norvège, les filles déclarent plus souvent que les garçons fumer quotidiennement.

Entre 1999 et 2003, les évolutions au niveau européen apparaissent modérées. Pour le tabac et l’alcool, les niveaux sont restés relativement stables, Pour le cannabis, en revanche l’expérimentation comme la consommation au cours du mois semblent avoir légèrement progressé, en particulier dans les pays où les niveaux étaient déjà élevés en 1999. Ces progressions ne modifient cependant pas la hiérarchies (6) établie en 1999, qui plaçait déjà la France, la République tchèque, le Royaume-Uni et l’Irlande parmi les pays de tête.

Baisse du tabagisme pour les jeunes Français

En 2003, les jeunes Français âgés de 15-16 ans présentent un taux d’expérimentation du tabac comparable à celui de l’ensemble des autres adolescents européens (68 % vs 66 %), le taux d’expérimentation se situant vers 80 % pour des pays comme l’Autriche et la République tchèque, et autour de 50 % pour des pays comme l’Islande, la Grèce et la Turquie.

Le tabagisme quotidien (au moins une cigarette par jour au cours des trente derniers jours) concerne 23 % des jeunes adolescents français de 15-16 ans. La France se situe ainsi au dix-huitième rang des pays participants. Les Autrichiens, les Allemands, les Bulgares ainsi que les jeunes Moscovites sont parmi les plus gros usagers de tabac (entre 46 % et 56 %) ; les Turcs, les Suédois et les Maltais se révélant, au contraire, les moins consommateurs d’Europe (entre 10 % et 14 %). Ainsi, les pays présentant les niveaux les plus faibles se situent autant en Europe du Nord qu’en Méditerranée orientale. Les jeunes fumeurs de tabac semblent, néanmoins, se concentrer dans les États baltes et les pays d’Europe centrale, alors qu’à l’inverse, dans les pays de la façade atlantique et de la Méditerranée occidentale, la part des jeunes usagers quotidiens apparaît moindre.

En 2003, les jeunes Français s’inscrivent dans une baisse généralisée du tabagisme en France et se classent parmi les adolescents des pays participants les moins consommateurs, alors qu’ils étaient en tête en 1999 : en quatre ans, le tabagisme quotidien des adolescents français a été réduit de 25 %. Cette tendance à la baisse semble se généraliser en Europe puisque, dans la plupart des pays, l’usage du tabac est resté stable ou a diminué. Seuls trois pays voient leur consommation de tabac progresser (la Roumanie, l’ Estonie et Chypre).

Consommation régulière de boissons alcoolisées

Si, dans la plupart des pays, plus de 80 % des adolescents déclarent « avoir consommé au moins une boisson alcoolisée au cours de l’ année précédant l’enquête », la proportion de ceux déclarant un usage régulier (dix fois ou plus dans le mois) se révèle, en revanche, nettement plus faible : 4/5e des pays présentant des niveaux inférieurs à 14 %. Les jeunes Français se démarquent davantage de leurs homologues européens avec un niveau d’usage régulier égal à 7 %, qui les situe au 21e rang du classement par pays.

La France, avec 8 % des adolescents qui déclarent boire du vin plus de trois fois au cours du mois, se classe dans le dernier tiers des pays, les jeunes Maltais, Italiens et Autrichiens en étant les plus grands consommateurs en Europe. Les jeunes Français, en revanche, se retrouvent en position médiane pour la consommation de spiritueux (19 %).

Les consommations régulières d’alcool (au moins dix usages au cours du mois) dessinent une carte européenne plus contrastée que celle du tabac, les proportions variant de plus de 20 % (Belgique, Pays-Bas, Malte et Autriche) à moins de 2 % dans les pays scandinaves et en Turquie. Les jeunes Français déclarent un niveau d’usage régulier comparable à ceux des jeunes Portugais, Lithuaniens ou encore Bulgares et Slovaques.

Ivresses assez rares dans les pays latins

La France se positionne parmi les rares pays européens, avec Chypre, Malte, le Portugal et la Turquie, où moins de 50 % des adolescents déclarent avoir déjà été ivres au moins une fois dans leur vie. Dans des pays comme le Danemark, les îles britanniques, la République tchèque, par exemple, plus des trois quarts des adolescents disent avoir déjà été ivres. De même, la part des jeunes Français âgés de 15-16 ans déclarant avoir été ivres au moins une fois au cours des douze derniers mois apparaît nettement plus faible que dans l’ensemble des pays européens (29 % contre 53 % en moyenne) ; l’écart est encore plus net quand on considère l’ivresse au cours des trente derniers jours (15 % contre 32 % en moyenne), la France se situant alors en 31e position.

Il n’y a pas eu, en Europe, d’évolution notoire entre 1999 et 2003, excepté dans les pays baltes et en Slovaquie, où les ivresses apparaissent en légère augmentation.

D’un point de vue géographique, les pays de l’Europe du Nord s’opposent généralement à ceux du Sud. Ainsi, les pays de la Méditerranée occidentale et orientale présentent des niveaux d’ivresse déclarés parmi les plus faibles d’Europe. À l’inverse, les pays d’Europe du Nord en particulier ceux des îles britanniques, affichent pour la plupart des niveaux supérieurs à la moyenne, tout comme une grande partie des pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est.

Finalement, on peut distinguer au niveau européen deux profils pour les consommations d’alcool : l’un, nordique, avec des usages réguliers plutôt faibles mais, par contre, des épisodes d’ivresse plus importants, et l’autre, latin, où les usages réguliers apparaissent plus importants mais les épisodes d’ivresse plus rares, la France se rapprochant de ce dernier portrait.

Cannabis : les Français parmi les premiers consommateurs

En France, la proportion d’élèves qui déclarent avoir déjà fumé du cannabis au moins une fois au cours de la vie est environ deux fois supérieure à la moyenne de l’ensemble des pays (38 % contre 21 %). Les jeunes Français sont aussi parmi les tout premiers consommateurs de cannabis au cours du mois (22 % vs 9 %). Ils figurent ainsi dans un quatuor de tête avec les Suisses, les Anglais et les Tchèques, dont les niveaux d’expérimentation, compris entre 44 % et 38 %, devancent largement ceux des autres Européens. À l’opposé, des pays comme la Grèce, la Roumanie ou encore la Suède, par exemple, rapportent des taux inférieurs à 5 %.

Entre 1999 et 2003, aucun pays ne présente de véritable diminution des niveaux d’usage de cannabis. Si l’expérimentation progresse dans pratiquement un tiers des pays (essentiellement des pays de l’Est mais aussi l’Irlande et le Portugal), la consommation au cours du mois se révèle relativement stable dans une grande partie des pays, à l’exception de la Bulgarie, de la Slovaquie et de l’Angleterre, où elle augmente légèrement.

La géographie européenne de l’usage de cannabis oppose clairement l’Europe occidentale à l’Europe de l’Est, les niveaux d’usage diminuant progressivement de la façade atlantique à l’Oural. Parmi les pays d’Europe centrale pour lesquels l’usage au cours du mois s’avère relativement modéré, la République tchèque occupe une place particulière avec un niveau d’usage déclaré comparable à celui de la France.

En conclusion, cette enquête permet de resituer les niveaux d’usage des jeunes Français par rapport à leurs homologues européens.

Dans cette cartographie des usages de drogues à l’âge de 15-16 ans, les Français présentent généralement des niveaux relativement comparables à ceux de l’ensemble des Européens. Ils se démarquent, cependant, de leurs homologues par leur faible taux d’ivresses alcooliques déclarées et par une consommation de cannabis nettement plus importante.