Médecine, santé et société

Diagnostic biologique des IST

La page professionnelle 30 Jan 2012

IST : un diagnostic précoce pour une meilleure prévention

À la fin des années 1980, la peur du sida avait favorisé l’utilisation des préservatifs et entraîné une baisse importante des Infections Sexuellement Transmissibles (IST). Aujourd’hui, on constate un relâchement de la prévention et le retour d’IST dont certaines avaient presque disparu. Ainsi, la syphilis a fait une ré-apparition et, malgré toutes les campagnes d’information, sa transmission se poursuit. Après deux années de tendance à la baisse, les infections à gonocoques ont augmenté. La LymphoGranulocytose Vénérienne (LGV) rectale, méconnue jusqu’alors, fait une bouffée épidémiologique.

À l’exception du virus VIH (Virus de l’Immunodéficience Humaine), les agents responsables des IST ont tendance à provoquer des lésions d’inoculation au niveau du site de contage ou à proximité. Mais les lésions peuvent aussi passer inaperçues en raison notamment du fait qu’elles sont indolores ou qu’ elles surviennent dans un site anatomique qui les rend peu « visible ». Le diagnostic et le traitement sont ainsi retardés, facilitant de ce fait la transmission et la progression de la maladie dont la complication la plus grave est l’évolution vers la chronicité. Aussi, pour éviter toute complication, un diagnostic précoce est-il essentiel.

Syphilis

Au cours des années quatre-vingt-dix, la syphilis était devenue une maladie très rare dans les Dispensaires AntiVénériens (DAV). Fin novembre 2000, une résurgence de la syphilis a été documentée et a entraîné la mise en place d’un système de surveillance.

Épidémiologie

Entre 2000 et 2003, 1 089 cas de syphilis ont été déclarés en France. Le nombre de cas a doublé entre 2001 et 2002 et est resté stable ensuite. Chaque année, plus de 96 % des cas de la région Île-de-France ont été diagnostiqués à Paris et les homosexuels masculins sont toujours la population la plus affectée. En l’absence de traitement efficace, la syphilis évolue classiquement en plusieurs étapes cliniques symptomatiques et asymptomatiques.

Diagnostic clinique

Le diagnostic de la syphilis doit être évoqué devant toute ulcération ou érosion génitale, anale ou buccale chez un sujet en période d’activité sexuelle. En dehors des lésions primaires (chancre et ganglions satellites), Treponema pallidum peut être retrouvé au niveau des lésions secondaires (plaques muqueuses, syphilides cutanées) ainsi que dans le Liquide Céphalo-Rachidien (LCR) en cas de neurosyphilis et dans le liquide amniotique au cours de la grossesse.

Diagnostic biologique

L’examen microscopique : toute ulcération génitale doit être examinée au microscope (état frais observé au microscope à fond noir ou technique d’immunofluorescence directe). La supériorité technique de l’immunofluorescence directe sur le fond noir réside dans sa capacité à distinguer T. pallidum des tréponèmes saprophytes morphologiquement non différentiables au microscope à fond noir. Un résultat négatif n’élimine pas le diagnostic de syphilis.

Le diagnostic indirect repose sur la mise en évidence des anticorps induits par l’infection et retrouvés dans le sérum (éventuellement dans le LCR). Il existe de très nombreuses méthodes qui se divisent en deux groupes suivant l’origine de l’antigène utilisé.

VDRL positif et TPHA négatif : une fausse positivité du VDRL peut survenir lors d’infections virales et parasitaires, du lupus, des connectivites, de myélome, de maladie de Waldenström ainsi qu’au cours de la grossesse at après certains vaccins. Faire FTAABS et TPI (Test de Nelson).

La PCR (Polymerase Chain Reaction) est une nouvelle méthode de diagnostic, spécifique des tréponèmes pathogènes, mais elle ne permet pas de différencier les sous-espèces. Elle aurait un grand intérêt dans le diagnostic précoce de la syphilis congénitale, mais elle semble décevante dans la neurosyphilis.

Interprétation des résultats de la sérologie

L’association VDRL / TPHA est utilisée pour le dépistage sérologique de la syphilis par la majorité des laboratoires. Plusieurs éventualités peuvent se présenter.

VDRL et TPHA négatifs : sauf contamination récente (moins de 3 semaines), le diagnostic de syphilis peut être écarté. En cas de risque connu important, faire soit FTA-ABS avec recherche d’IgM soit une sérologie 3 semaines plus tard.

VDRL et TPHA positifs : il s’agit d’une syphilis. Les tests complémentaires vont préciser le stade et le traitement.

VDRL négatif et TPHA positif : soit cicatrice sérologique (interrogatoire, notion de traitement ancien), soit syphilis décapitée par un traitement antibiotique donné pour une autre affection. Faire FTA-ABS (en particulier chez le sujet jeune).

La recherche d’une neurosyphilis

La recherche d’une neurosyphilis repose sur l’étude conjointe du sérum et du LCR.

Dans le sérum, les tests tréponémiques sont toujours positifs en cas de syphilis tertiaire.

Dans le LCR, un VDRL positif permet d’affirmer le diagnostic de neurosyphilis, mais un résultat négatif ne permet pas de l’éliminer. Les tests tréponémiques seraient plus sensibles que le VDRL, un FTA-ABS négatif dans le LCR permettant d’exclure le diagnostic de neurosyphilis.

Gonococcie

Après une hausse continue de 1998 à 2000, le nombre moyen de gonocoques isolés par laboratoire actif dans Renago (réseau de laboratoires de microbiologies volontaires répartis dans toute la France métropolitaine) a baissé en 2001 et est resté stable en 2002. Les tendances évolutives de la syphilis et de la gonococcie apparaissent donc, en France, divergentes avec une stabilité des infections à gonocoque et une hausse constante des cas de syphilis.

Tableau clinique

Le gonocoque, Neisseria gonorrhoeae, provoque des suppurations des voies génitales qui, en l’absence de traitement, peuvent être suivies de complications graves.

Chez l’homme, c’est une urétrite aiguë se traduisant par un écoulement purulent au niveau du méat urinaire et des douleurs aiguës à la miction. Si le traitement n’est pas instauré rapidement, l’urétrite antérieure devient totale et peut se propager aux voies génitales donnant des infections de l’épididyme, du testicule et de la prostate.

Chez la femme, la maladie est souvent asymptomatique au début et devient visible que lorsque l’infection s’est étendue (inflammation de l’ urètre, des glandes de Skène et/ou de Bartholin, cervicite, salpingite). Des formes anorectales et pharyngées peuvent également être observées dans les deux sexes. Des complications peuvent survenir en l’absence de diagnostic et de traitement. Il s’agit de complications articulaires, septiques ou mécaniques.

Diagnostic biologique

Il repose sur la mise en évidence des gonocoques à l’examen direct des prélèvements complété par la culture et l’antibiogramme.

L’examen après coloration de Gram d’un frottis mince de pus urétral permet de faire le diagnostic des urétrites aiguës chez l’homme. La présence de diplocoques à Gram négatif, en majorité intracellulaires, est très significative et constitue un très fort élément de diagnostic. Dans les autres formes de gonococcie (urétrite chronique chez l’homme, infection génitale chez la femme), les germes sont rares souvent associés à d’autres bactéries et l’examen microscopique n’est pas suffisamment révélateur pour donner le diagnostic.

La culture du gonocoque est délicate et nécessite l’ensemencement immédiat du prélèvement sur un milieu très riche (gélose chocolat + supplément polyvitaminique ou milieu de Thayer et Martin) rendu sélectif par addition d’antibiotiques (vancomycine, colistine, nystatine).

Si la culture ne peut être effectuée immédiatement après le prélèvement, celui-ci doit être ensemencé en milieu de transport (milieu TGV ou milieu de Stuart) permettant ainsi son acheminement jusqu’au laboratoire.

Un test multiplex d’amplification génique (Cobas Amplicor) permet, avec une excellente sensibilité, la détection directe de Neisseria gonorrhoeae à partir de prélèvements sur écouvillons endocervicaux ou urétraux et sur des échantillons d’urines.

L’identification des colonies isolées en 24 à 48 heures doit être complétée par une recherche de bêta-lactamase et un antibiogramme en raison de l’ existence de souches résistantes notamment aux pénicillines (10,4 % des souches isolées en 2002), aux tétracyclines (12,6 % des souches) et à la ciprofloxacine (16,9 % des souches). Aucune résistance à la ceftriaxone et à la spectinomycine n’a par contre été objectivée.

Infections à Chlamydia trachomatis

L’infection à Chlamydia trachomatis est en France l’IST bactérienne la plus fréquente de la femme. En l’absence de traitement, elle peut être à l’origine de complications à moyen et long termes : inflammation pelvienne, endométrite, salpingite, grossesse extra-utérine et infertilité. Chez l’homme, l’infection à Chlamydia trachomatis peut se manifester par une urétrite. Dans les deux sexes, mais plus souvent chez la femme, l’infection à C. trachomatis est fréquemment peu ou pas symptomatique permettant ainsi sa progression silencieuse au sein de la population sexuellement active.

Épidémiologie

En France, en 2002, le réseau Rénachla chargé de surveiller l’évolution de cette pathologie a détecté 1 985 infections, mais environ un quart des femmes et un tiers des hommes n’en présentaient aucun signe.

Tableau clinique

Pour les autres, les symptômes les plus souvent évoqués étaient chez les femmes des infections génitales basses (89 %), des douleurs pelviennes (35 %), une salpingite (12 %), des infections urinaires (24 %) et, chez les hommes, des urétrites (79 %) et des infections urinaires (29 %). Contrairement aux pays scandinaves, aucun dépistage systématique de C. trachomatis n’est pratiqué en France et de nombreuses zones d’ombre subsistent quant au nombre de personnes atteintes.

Diagnostic biologique

Les Chlamydiae sont des bactéries très fragiles, intracellulaires obligatoires, se développant dans les cellules épithéliales de la muqueuse génitale. Ces notions conditionnent le prélèvement, le transport et l’isolement de ce germe pour les tests classiques de diagnostic qui peuvent être mis en œuvre.

Le prélèvement : il est indispensable d’obtenir des prélèvements riches en cellules épithéliales (prélèvement endo-cervical ou endo-urétral) par grattage de la muqueuse à l’aide d’un écouvillon de type Bactopick. L’écouvillon doit être immédiatement déchargé dans un milieu de transport (milieu tamponné 2SP avec antibiotiques) et un second écouvillon servira à la réalisation d’un frottis. Les prélèvements placés en milieu 2SP et congelés immédiatement conservent indéfiniment leur pouvoir infectant.

    Le diagnostic direct :
  • Des anticorps monoclonaux marqués à la fluorescéine peuvent être utilisés pour identifier les Chlamydiae directement à partir du prélèvement (MicroTrak-Syva-BioMérieux, Chamyset, Antigène-Oriondiagnostica).
  • Les techniques d’immunofluorescence directe permettent la mise en évidence des corps élémentaires extracellulaires. Si ces techniques ne permettent pas de faire la distinction entre des microorganismes morts ou vivants, elles ont l’avantage de ne pas nécessiter de cultures cellulaires et donnent une réponse rapide.
  • Chlamydia trachomatis peut également être mis en évidence directement dans les prélèvements par des techniques immunoenzymatiques (Wellcozyme Chlamydia-Wellcome, Chlamydiazyme-Abbott, Clear-view Chlamydia-Unipath).

L’isolement sur culture cellulaire s’effectue sur cellules Mac Coy ou Hela 229 en présence de cycloheximide. Après 48 à 72 heures d’incubation, Chlamydia trachomatis peut être révélée par immunofluorescence directe à l’aide d’un anticorps monoclonal couplé à l’isothiocyanate de fluorescéine.

Des techniques d’amplification génique sont maintenant disponibles (Cobas Amplicor Chlamydia trachomatis-Roche, RealArt Chlamydia trachomatis PCR Temps Réel-Abbott). Sensibles, spécifiques et reproductibles, elles permettent de poser le diagnostic d’infection à Chlamidia trachomatis sur les prélèvements urinaires, vulvaires, vaginaux et spermatiques et de proposer un dépistage à des personnes asymptomatiques.

Le diagnostic sérologique (IFI ou immunoenzymologie) n’a pas d’intérêt dans les infections génitales localisées aux muqueuses car la stimulation antigénique est très réduite et le taux de la réponse anticorps est très faible.

Infections à Papillomavirus

L’infection à HPV qui se traduit par l’apparition de condylomes plans ou acuminés est la plus fréquente des IST virales dans le monde. 10 à 20 % des femmes jeunes sont porteuses d’une infection latente à HPV. Dans 80 % des cas, cette infection est transitoire et asymptomatique. La réponse immune élimine le virus en 8 à 16 mois dans la plupart des cas.

Dans un petit nombre de cas, il y a persistance de l’HPV et, sous l’action de divers cofacteurs, expression de protéines transformantes, puis apparition de lésions de haut grade et cancer. Certains types (HPV-HR) sont plus fréquemment associés au cancer. Une relation de cause à effet a été bien établie et l’HPV est trouvé dans 99,8 % des cancers invasifs du col. La période de latence entre l’exposition initiale à l’HPV et le cancer du col est estimée en moyenne à 15 ans et, lorsque les lésions sont détectées précocement, elles peuvent être guéries par un traitement chirurgical ou médical

Le diagnostic des lésions génitales à HPV a reposé pendant de nombreuses années sur l’examen cytologique de frottis, la colposcopie et l’histologie.

Récemment les techniques de détection des HPV se sont, grâce à la biologie moléculaire, nettement améliorées. Ce sont soit des techniques d’hybridation en milieu liquide (HybridCapture®2-Digène) soit des techniques de PCR, très sensibles et spécifiques (HPV Consensus®-Argene, HPV Amplicor®-Roche). Elles permettent, selon les trousses utilisées, l’amplification de 9 ou de 13 génotypes d’HPV-HR.

Infections à Herpes simplex virus

L’herpès génital est une IST fréquente (elle toucherait 2 millions de personnes en France) due généralement à Herpes simplex virus de type 2 (HSV2), mais le type 1 (HSV1, plus souvent impliqué dans l’herpès buccal) peut également être en cause.

Le diagnostic de l’herpès génital est avant tout clinique (vésicules et ulcérations cutanéo-muqueuses), mais la recherche du virus ou des antigènes viraux dans les lésions apportera la confirmation virologique.

Des techniques d’immunofluorescence indirecte peuvent être réalisées sur le liquide vésiculaire ou l’écouvillonnage des lésions ulcérées. Grâce aux anticorps monoclonaux utilisés, elles permettent d’obtenir le diagnostic virologique et le typage des souches HSV1 et HSV2.

L’isolement viral en culture cellulaire reste la méthode de référence. Les prélèvements à inoculer (liquide vésiculaire, écouvillonnage des muqueuses) doivent être acheminés rapidement au laboratoire. Les cellules permissives sont des cellules diploïdes humaines (MRC5) ou des cellules Vero. La recherche d’antigène HSV dans la culture cellulaire à l’aide d’un anticorps monoclonal par immunofluorescence ou immunoperoxydase se positive en 24 h le plus souvent, avant l’apparition de l’ECP (ballonisation des cellules en foyers), ce qui raccourcit le délai de réponse.

Le diagnostic sérologique n’a pas d’intérêt au cours de l’infection génitale.

Trichomonase

Trichomonas vaginalis est la cause non virale d’IST la plus répandue à l’ échelle du globe. Très fréquente en Afrique et en Amérique Latine, la trichomonase uro-génitale (TUG) l’est beaucoup moins dans les pays occidentaux, mais elle constitue néanmoins un motif fréquent de consultation gynécologique après les troubles du cycle.

L’infection à Trichomonas vaginalis reste sous-évaluée car souvent asymptomatique ou à cause d’un diagnostic microbiologique réalisé dans des conditions inadaptées.

La fiabilité du diagnostic au laboratoire repose sur la qualité du prélèvement génital et sur la rapidité d’observation.

  • Un examen extemporané : Trichomonas vaginalis est facile à identifier si on l’observe à l’état frais grâce à sa mobilité caractéristique, mais l’examen microscopique doit absolument être extemporané, le parasite étant extrêmement fragile. Si l’examen doit être transmis, les conditions de transport doivent impérativement être respectées (utilisation d’écouvillons avec « chambre humide », transport rapide, à l’abri des variations thermiques).
  • l’observation des formes rondes sans flagelles peut parfois gêner l’interprétation.
  • La sensibilité moyenne de l’examen parasitologique n’excède pas 60 %.

La mise en culture des sécrétions sur milieu spécial (Roiron) est possible en cas de négativité de l’examen direct, mais elle demande 2 à 7 jours supplémentaires.

À l’avenir, des méthodes plus fiables (anticorps monoclonaux marqués, PCR) seront probablement disponibles. Elles ne sont encore ni standardisées, ni validées.